Au-delà de l’injustice scandaleuse d’une Réforme dite « des lycées » proposant un tronc commun à certains privilégiés, toujours les mêmes ( lycées techniques et généraux) mais en en excluant d’autres , toujours les mêmes ( lycées professionnels), affichant par là que certains seraient moins des « élèves » ou dignes de l’être que d’autres,

Au-delà de l’idéologie du chacun pour soi avec sa chaussure à son pied que cette réforme sous-tend au risque d’aggraver l’éclatement de notre société déjà bien avancé, et de faire disparaître un projet national d’éducation pour toute une jeunesse s’avouant pourtant en manque de repères dans un monde incertain, enlisée dans un entre-soi , dans une ghettoïsation que le seul service national ne pourra contrer,

Au-delà des manques : de moyens, de considération, de prise en compte, de commun, de démocratie dans nos établissements qui continuent de plier mais qui pourraient rompre,

Au-delà de la précipitation, de la pression que tous les professionnels des lycées ont à subir comme si l’urgence était devenue mère de sûreté,

Toutes ces alertes ayant déjà été exprimées par d’autres ,

Le Collège-Lycée Élitaire Pour Tous à Grenoble, convaincu depuis longtemps de la nécessité de mener une Réforme des lycées, veut aujourd’hui à son tour exprimer ses doutes à l’heure de la mise en place concrète de cette Réforme en son sein.

Ce qui est au cœur de notre établissement figure symboliquement au cœur de son nom :« lélitaire »  Cela souligne donc notre projet : celui de l’émancipation de tous par des savoirs habituellement réservés à une élite. Ce qui impose de proposer aux élèves une préparation au Bac général, les trois filières incluses jusque-là. Notre offre continuera donc sur cette lancée en garantissant à chacun avec la disparition des filières le même accès à l’exigence. Ce qui compte, c’est que tous puissent continuer à entrer dans des savoirs véritablement émancipateurs.

D’où la fausse question du « choix » : ils font à l’entrée le choix du Clept, donc de l’élitaire, quels que soient leur passé ou leur passif scolaires, c’est cela leur « projet » puisque c’est cela « notre projet ».

L’élitaire permet aussi de les considérer comme des interlocuteurs valables , membres actifs, partenaires dans ce projet qui les concerne tous et chacun. Cela s’appuie constamment sur la nécessité d’être ensemble, de faire ensemble, d’avancer et d’apprendre ensemble.

Nous essayons de rebattre les cartes d’un jeu parfois truqué depuis longtemps, de restaurer de la confiance en soi, en l’autre, en les profs, en notre institution, de redonner goût, envie, espoir, d’ouvrir des portes, d’entrevoir des possibles, d’éveiller , de secouer.

En toute bonne foi, et forts de ce projet, nous n’adhérons pas aux logiques de tri sélectif, de compétition, d’individualisme, d’assignation, de spécialisation, d’urgence. Nous prenons le temps afin de rendre « étudiants » des jeunes concassés , emmurés et afin qu’adviennent des êtres plus libres.

Nous n’adhérons pas à la place donnée

-à l’orientation en classe de 2nd : entre-t-on au lycée pour s’orienter vers un cursus d’études supérieures déjà défini ?

– à une vision utilitariste et finaliste des savoirs en fonction des nécessités de Parcours Sup

– à l’individu : vient-on au lycée pour consommer selon des goûts préétablis bien à soi, ou même sous le coup de déterminismes, de pressions ? Et sans appartenir en propre à un collectif d’apprentissage ?

– au « parcours individuel » qui peut très vite se transformer en trajectoire à suivre coûte que coûte sans que joue le droit à l’erreur : est-cela apprendre ?

– au choix : vient-on au lycée « choisir » ou choisit-on de venir pour apprendre afin de mieux exercer des choix davantage éclairés ?

– au contrôle continu tellement présent que devenant « continuel » il vide les contenus de leur saveur propre : vient-on au lycée essentiellement pour passer des épreuves du BAC ?

Enfin, nous sommes particulièrement et plus globalement inquiets du sort réservé aux jeunes décrocheurs/ décrochés dans les propositions actuelles du Ministre : nous voulons rappeler que la formation doit inclure la reprise d’études dont le cursus en voie générale fait partie.

Au fond, nous aurions souhaité une réforme plus « humaniste », proposant par exemple à tous un enseignement de la philosophie à l’instar de ce qui se pratique au Clept depuis le début, permettant que s’éprouve, se cherche et s’échafaude au cours des ans le seul trésor de notre espèce humaine : la pensée.